Rigoletto à Marseille

Rigoletto

Giuseppe Verdi

 

Opéra en 3 actes

Livret de Francesco Maria PIAVE d’après le drame romantique "Le Roi s’amuse" de Victor HUGO

 

Création à Venise, La Fenice, le 11 mars 1851

 

 

Direction musicale Roberto RIZZI-BRIGNOLI
Mise en scène Charles ROUBAUD
Décors Emmanuelle FAVRE
Costumes Katia DUFLOT
Lumières Marc DELAMÉZIÈRE

 

COPRODUCTION Opéra Marseille / Chorégies d'Orange

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

Gilda   Jessica Nuccio

Maddalena   Annunziata Vestri

Giovanna   Cécile Galois

Comtesse Ceprano   Laurence Janot

Rigoletto   Nicola Alaimo

Le Duc de Mantoue   Enea Scala

Sparafucile   Alexey Tikhomirov

Le comte de Monterone   Julien Véronèse

Marullo   Anas Seguin

Matteo Borsa   Christophe Berry

Le comte de Ceprano   Jean-Marie Delpas

L'officier   Arnaud Delmotte

 

 

Giuseppe Verdi signe en avril 1850 un contrat avec La Fenice de Venise pour un nouvel opéra. Le compositeur propose à Francesco Piave, poète résident à La Fenice, d'adapter l'intrigue du Roi s'amuse de Victor Hugo, drame romantique français créé en 1832. Après plusieurs remaniements, le livret reçoit l'approbation des autorités vénitiennes à la fin du mois de décembre 1850 et Verdi termine son opéra au début de l'année suivante.

Le 11 mars 1851, la première représentation remporte immédiatement l'adhésion du public, notamment grâce à une distribution rassemblant de grands chanteurs (par exemple, Felice Varesi, qui avait créé le rôle de Macbeth, tient le rôle-titre). Malgré les quelques polémiques qui subsistent avec les censeurs des autres villes, Rigoletto est un véritable triomphe : l'opéra rentre au répertoire des grandes maisons d'opéras italiennes et s'exporte sur les scènes internationales. Par ailleurs, les thèmes de l'opéra sont souvent adaptés pour des formations instrumentales, comme en témoignent, parmi d'innombrables exemples, les Trois pots-pourris op. 130 (1853) d'Anton Diabelli ou la Paraphrase de concert (1857) de Franz Liszt. 

Rigoletto est le premier volet de la « Trilogie populaire ». Il est suivit du Trouvère (1853) et de La Traviata (1853). Cette « popularité », vérifiée dès la création de Rigoletto et jamais démentie depuis, s'explique musicalement par une écriture mélodique accessible des airs et des chœurs, que le public retient facilement. Au-delà de l'appréciation du public, ces trois opéras ont en commun l'abandon du caractère national, la mise en avant des passions et la recherche plus poussée d'unité dramatique, qui caractérisaient les précédents ouvrages de Verdi.

 

Résumé

 

A Mantoue et dans ses environs, au XVIème siècle. Rigoletto, bouffon du Duc de Mantoue, séducteur dépravé, protège secrètement sa fille Gilda à l’abri des regards et des dangers. Aussi la malédiction du Comte Monterone à son égard terrifie-t-elle Rigoletto, dont le costume de bouffon de cour cache un père aimant et protecteur. Séduite par le Duc de Mantoue, puis enlevée par les courtisans qui la mènent jusqu’à la chambre de leur maître, Gilda s’enflamme pour son amant volage, son premier amour. Rigoletto s’estime déshonoré et entreprend de se venger du Duc, qui court se gaver d’autres femmes sitôt Gilda séduite : le bouffon engage le spadassin Sparafucile pour qu’il tue le Duc en pleine nuit. Mais Gilda, éprise jusqu’au bout de l’homme qui l’a conquise, se glisse secrètement à sa place au moment où l’assassin doit frapper, et tombe sous ses coups : c’est le corps de sa fille que Rigoletto récupère, effondré : c’est là l’ultime volet de la malédiction de Monterone.

 

 

 

Les impressions du Président de l'association des Amis de l'Opéra Grenoble sur Rigoletto :

 

Fin de notre saison 2018.2019 à nouveau sous le soleil marseillais du Vieux Port. Soleil relatif sur fond de ciel voilé pas si mal venu après notre grisaille dauphinoise du matin.

Toujours installés dans les fauteuils fatigués et malcommodes de l’Opéra de Marseille, nous avons assisté, l’après-midi, à une représentation d’un classique du répertoire : le "Rigoletto" de Verdi.

 

Charles Roubaud avait décidé d’adapter sa mise en scène, élaborée pour le grandiose site du Théâtre antique d’Orange des Chorégies 2018, aux dimensions bien plus réduites d’un plateau intérieur, celui de Marseille.

Elément central du dispositif scénique, la même immense "marotte" du bouffon posée en travers, à même le sol. Grosse tête inclinée et souriante, côté jardin, coiffée du chapeau "multicornu" traditionnel, emmanchée sur son long bâton filant à cour. L’ensemble occupant le plateau d’un bord à l’autre, laissant l’espace d’avant-scène libre. Derrière cet élément à la forte présence visuelle, une rampe inclinée en parallèle permettant des déplacements surélevés. En fond, un mur neutre accrochant parfois des projections lumineuses. Seuls quelques éléments de décor (tables, chaises, cubes, etc…) viendront ponctuer l’espace en fonction de l’intrigue, en suggérant les lieux différents : salle des fêtes, chambre, maison de Rigoletto, puis celle du spadassin au dernier acte.

Le tout dans un ton neutre, gris clair, mais animé selon les projections lumineuses qui épousent ses contours ; comme la tête colorée soudainement vivante ! Beaux effets d’éclairage.

 

Cette présence intéressante et assez spectaculaire va malheureusement devenir assez vaine, car trop peu utilisée comme "personnage", mais seulement comme décor. Elle convient parfaitement pour les scènes de fêtes mais semble embarrassante pour les lieux plus intimes qui vont suivre.

Sinon, Charles Roubaud a construit un déroulement général honnête, lisible, classique, sans approfondir les relations fondamentales entre les protagonistes parfois laissés un peu à eux-mêmes sur le plateau. Peu de surprises, ni d’inventions capables de relancer la teneur dramatique qui se déroule de façon "monochrome".

Costumes assez indéterminés : à la fois d’époque (XIXème ?) ou plus modernes et stylisés. Mais sans fausse note.

 

Quid des interprètes ?

       Tout d’abord, une déception : celle de n’avoir pu apprécier la grande qualité vocale de la soprano initialement annoncée, et qui a motivé notre choix, à savoir Sabine Devieilhe, en Gilda ! En effet, la direction de l’opéra de Marseille a fait savoir que cette dernière avait renoncé à cette interprétation après étude de la partition. Ceci dès le mois de novembre précédent, paraît-il ( ?). Or, il semble que son nom soit resté sur l’affiche bien au-delà. Comme effet d’annonce ?

Sans vouloir entrer dans une polémique tatillonne, il nous semble tout de même un peu bizarre qu’une cantatrice aussi professionnelle, qui a sans doute signé son contrat il y a 3 ou 4 ans de cela, n’ai pas été en parfaite connaissance de la qualité vocale d’une partition mondialement chantée ? La "Gilda" de "Rigoletto" n’est pas une découverte ni une création soudaine. Alors ???  Laissons là…..

        Ceci dit, elle fut dignement remplacée par une soprano italienne méritante, Jessica Nuccio, déjà familiarisée avec le rôle. Voix chaude, bien menée, avec un certain métier, proposant de belles sonorités. Présence scénique sans reproche. Elle fut une bonne Gilda, évitant de tomber dans la tradition qui fait à tort de Gilda une soprano légère. Cependant, il lui manquait l’assurance et la maîtrise sensible, la richesse de coloration, de Sabine Devieilhe.

       A son côté, son père, triste bouffon provocateur mais déchiré intérieurement, figure légendaire du rôle de baryton cher à Verdi ! Voir Nabucco, Macbeth, Germont père, Simon Boccanegra, Philippe II, Iago, etc…

Qui pour l’interpréter ? Une stature à tout le moins ! Ce fut celle imposante de Simone Alaimo, que l’on ne présente plus, et pour qui c’était une prise de rôle. Voix ample, très à l’aise dans la tessiture, corsée, ronde, solide, chaude. Rien à dire, si ce n’est une présence malaisée sur scène : visiblement le metteur en scène a peu creusé avec ses interprètes ni le jeu scénique ni le personnage. Pour preuve, un artiste plutôt préoccupé à scruter le chef  par peur d’une erreur, d’une imprécision de mesure, que de caractériser l’être tourmenté et bouleversant qu’il représentait. D’où des postures de jeu souvent conventionnelles.

        Et le Duc ? Le prédateur, le provocateur, le manipulateur, le cynique, le dévoyé…. ? Ce fut un jeune ténor déjà très courtisé, l’italien Enea Scala, qui lui prêta sa voix lumineuse, bien projetée, avec un certain abattage scénique et une aisance de jeu. A la fois le dévoiement vocal du personnage, qui frôle la vulgarité, et la légèreté du jeune énamouré (sincère ou non ?).

Rôle difficile car empli de clichés réducteurs qui amenuisent la palette plus riche qu’on ne le croit du personnage.

 

Ces trois interprètes annoncés dès la parution de la saison marseillaise, la soprano, le baryton, et le ténor, furent les atouts principaux qui justifièrent notre choix de cette production.

       Autre atout important, un bon Sparafucile, le spadassin ténébreux et inquiétant, qui demande une voix de basse profonde, noire, présente : Alexey Tikhomirov nous a proposé ces atouts vocaux avec une belle allure scénique.

       N’oublions pas sa sœur, Maddalena, voix de mezzo-soprano trop peu utilisée : ce fut celle d’Annunziata Vestri.

      Saluons les honnêtes prestations des autres comprimari.

      Saluons également le Chœur de l’Opéra de Marseille, toujours valeureux et bien en place.

      Dans la fosse, un orchestre de l’opéra en bonne forme, sachant éclairer toutes les facettes complexes de cette partition novatrice où Verdi a introduit des particularités sonores, des effets de vent, d’éclairs, de tension nocturne, ou d’éclat festif. Sans oublier le caractère profondément dramatique de cette tragédie ravageant l’âme d’un père qui n’a pas vu venir le drame ! Victime de cette "maledizione" qui parcourt toute l’intrigue.

Il fallait un bon chef pour cela : ce fut Roberto Rizzi-Brignoli qui tint la baguette avec intelligence, en véritable chef d’opéra, capable d’attention envers ses interprètes, de les porter, et de jouer le théâtre sonore de cette musique.

 

Bilan favorable. Oui, mais…..il y manquait tout de même une tension et des nuances dramatiques mieux caractérisées, avec plus de conviction, tant pour le chef que pour les interprètes.

Ne boudons pas notre plaisir pour autant : pouvoir entendre "Rigoletto" dal vivo reste un privilège exaltant.

Et puis, le duo final père/fille fut à pleurer ! Alors ???   Mille grazie Maestro Verdi !

 

Ainsi s’est achevée notre saison 2018 / 2019, avec satisfaction.

Bon vent à la nouvelle !

 

 

Alain GUIPONT

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