Don Carlos à Lyon

 

Don Carlos

Giuseppe Verdi

 

Direction musicale : Daniele Rustioni 
Mise en scène : Christophe Honoré 
Décors : Alban Ho Van 
Costumes : Pascaline Chavanne 
Lumières : Dominique Bruguière 
Chorégraphie : Ashley Wright 

Philippe II, roi d'Espagne : Michele Pertusi 
Don Carlos, infant d'Espagne : Sergey Romanovsky 
Rodrigue, marquis de Posa : Stéphane Degout 
Le Grand Inquisiteur : Roberto Scandiuzzi 
Un Moine : Patrick Bolleire 
Elisabeth de Valois : Sally Matthews 
Princesse Eboli : Eve-Maud Hubeaux 

Orchestre, Chœurs et Studio de l'Opéra de Lyon

 

 

 

En 1559, Don Carlos, fils de Philippe II d’Espagne, est promis à Elisabeth, fille d’Henri II, afin de mettre fin à la guerre franco-espagnole qui fait rage en Flandres. Ils se rencontrent dans la forêt de Fontainebleau et s’éprennent l’un de l’autre au premier regard. Mais Philippe II, veuf, décide finalement d’épouser lui-même la jeune fille. Elisabeth accepte, au nom de la raison d’état. Entre complot de l’Inquisition, entrevues secrètes et intrigues politiques, le destin tragique des amants et de leurs deux nations se dessine.

 

Verdi a imaginé pour Paris un Grand-Opéra funèbre, tragédie sans espoir sur fond d’Espagne soumise à l’Inquisition. Le metteur en scène Christophe Honoré propose une vision shakespearienne, dominée par le désir et la brutalité du conflit familial – une version sensuelle, dans laquelle le corps est le moteur et l’âme, la victime.

 

Les commentaires du Président de l'Association des Amis de l'Opéra Grenoble sur ce spectacle :

 

 

 

Evènement dans la saison lyrique de l’Opéra de Lyon, la présentation du "Don Carlos" de Giuseppe Verdi dans sa version originale française, créée à Paris en 1867, à la salle Le Peletier, Académie impériale à l’époque, l’Opéra Garnier n’étant pas encore construit. Version dite "parisienne" en cinq actes et avec le traditionnel ballet cher au public de l’Opéra de Paris, dénommé de façon quelque peu féroce comme "La grande Boutique" par Verdi.

Celui-ci  ne prisait guère la façon très lourde et tatillonne de travailler dans cette maison d’opéra incontournable pour assurer une gloire européenne dans le monde opératique.

 

Nous y étions à l’Opéra de Lyon, ce lundi 02 avril 2018, un petit groupe de 19 fidèles prêts à affronter les 5h de spectacle annoncées (en réalité 4h15 de musique plus un long entracte). Nous n’avons pas vraiment vu passer le temps car la superbe qualité musicale d’interprétation était au rendez-vous, comme souvent à Lyon.

 

Nous ne pouvons pas en dire autant à propos de la mise en scène du cinéaste Christophe Honoré. Travail non scandaleux car respectueux de la trame du livret et de la partition, mais tellement décousu et infiniment terne, voire triste, dans des décors vastes, vides, peints en noir, parfois défraîchis ou alors lourdement plantés, et très souvent baignés dans une lumière minimaliste, plutôt pénombre qu’éclairage. Costumes à l’avenant, noirs ou sombres, de cuir ou de fourrure, mi-d’époque, mi-intemporels, sans véritable cohésion.

Au milieu, le fameux ballet, qui n’est pas du meilleur Verdi, démarrant par une sorte de danse "country" scandée par les talons sur le bois du plateau. Pourquoi ? Se poursuivant par une gesticulation effrénée et ridicule de quelques danseurs pataugeant dans une mare centrale alimentée par un rideau d’eau. Pourquoi ? Qui le sait ?

Direction d’acteur un peu minimaliste elle aussi, honnête mais laissant parfois les interprètes perdus ou figés sur le plateau.

Ceci surtout dans la première partie, avant l’entracte, jusqu’au tableau de l’autodafé. Tableau coincé dans un énorme dispositif en bois, planté en avant scène, avec trois niveaux de galeries où évoluaient les personnages selon une hiérarchie fort classique : en bas, le peuple, à l’étroit, au milieu, les nobles, et tout en haut, les religieux.

Dispositif  annulant tout effet de foule, grandiose, prévu dans le livret.

En façade, quatre pauvres suppliciés "suspendus" et gesticulant, au limite du ridicule, avant que ne descende des cintres une rampe de feu clôturant le tableau. Rideau et pause !

 

Mais, après cette pause bienvenue pour le repos des artistes, ce fut fort heureusement de meilleure tenue avec des tableaux plus cohérents et mieux construits, autour des grands solos et duos mythiques de cet opéra :

-        Le célèbre monologue du Roi Philippe II suivi de son affrontement avec le terrible Grand Inquisiteur

-        Le duo émouvant dans la prison de Don Carlos où vient se sacrifier par amitié le Marquis de Posa

-        Le tragique solo de la Princesse Eboli, déchirée, et celui, mélancolique de la Reine Elisabeth

-        Le dernier duo follement romantique mais si résigné des deux amoureux prisonnier d’une décision implacable du Roi

Enfin du théâtre sur scène !

 

Théâtre porté surtout par la qualité remarquable de tous les interprètes, choristes, solistes, musiciens d’orchestre !

-        Chœur de l’Opéra de Lyon toujours aussi impeccable, et à la diction claire.

Côté Dames :

-        Une assez belle Elisabeth incarnée par la soprano anglaise Sally Matthews, bien engagée dans le rôle, sensible et émouvante mais à la voix parfois irrégulière et surtout très gênée par une diction du texte français peu compréhensible.

-        Une révélation avec la mezzo suisse Eve-Maud Hubeaux dans le rôle difficile de la Princesse Eboli par qui le drame arrive en grande partie. Caractère blessé, déchiré, passionné, chargé de rancune et de remords tout à la fois, superbement incarné par la chaude voix de cette grande mezzo qui a surmonté de façon remarquable le handicap imposé par le metteur en scène de tout jouer sur un fauteuil roulant. Chapeau !

Le public lui a réservé une belle ovation, méritée.

-        Deux belles voix fraîches des deux soprani, Jeanne Mendoche en Page et Caroline Jestadet en Voix céleste.

Côté Messieurs :

-        Un rôle titre tenu par le ténor russe Sergey Romanovsky, tout à fait crédible en jeune noble amoureux, et très vite engagé contre l’autorité de son père qui lui enlève tout espoir de concrétiser son rêve amoureux avec Elisabeth. Destin brisé et exalté par l’amitié et le romantisme de la jeunesse. Voix claire et diction parfaite, manquant parfois d’un peu d’affirmation.

-        A ses côtés, le personnage clef du drame, élément révélateur et modérateur tout à la fois, et prêt au sacrifice au nom de l’amitié et de la liberté : le Marquis de Posa. Incarné de façon magnifique par le baryton français Stéphane Degout, autre révélation du spectacle. Voix ample, chaude, au legato tenu de vrai baryton verdien, et à la diction parfaite ! Bravo ! Lui aussi a recueilli du public une belle ovation !

-        Un roi imposant, tourmenté, face à la vieillesse et au désenchantement du pouvoir et de la solitude, non aimé de sa Reine. Belle incarnation de la basse italienne très chevronnée Michele Pertusi, voix ample, affirmée, et émouvante.

-        Face à lui, dans un affrontement mythique, l’un des plus connus du répertoire, la terrible figure du Grand Inquisiteur. Voix d’outre-tombe, de la basse italienne Roberto Scandiuzzi, formidable d’autorité et de sévérité implacable. Un grand moment d’opéra.

Pour tous deux du beau chant et une diction elle aussi parfaite.

-        A noter la noble voix de basse de Patrick Bolleire dans le rôle du Moine.

 

-        Orchestre égal à lui-même : ample, sensible, aux sonorités soignées. Toujours au même niveau d’exigence élevé obtenu par une succession de bons chefs. Peut-être un léger déficit de cordes dans les grands tutti face aux puissants cuivres, mais sans remettre en jeu la qualité musicale. Du beau travail à la fois romantique et flamboyant et clair dans cette partition "française" du MaestroVerdi qui a particulièrement soigné son orchestration savante. Celle qui justement a dérouté le public de la création peu habitué à pareille ampleur, qualifiée à tort de "wagnérisme" alors que Verdi ne connaissait que très peu la musique de Wagner non encore jouée en France. Il fut plutôt influencé par la personnalité musicale du "Faust" de Gounod et celle des œuvres de Meyerbeer.

 

-        L’ensemble de ces artistes mené de main de maître par le jeune chef italien Daniele Rustioni, tout nouveau Directeur musical de l’orchestre. Un véritable chef d’opéra ! Sachant tenir ses musiciens tout en portant ses solistes sans jamais les couvrir, et sachant faire vivre en musique toutes les subtilités théâtrales de la partition.

 

Un grand bravo à eux tous !

Bel enthousiasme du public lyonnais en une longue et chaleureuse ovation très méritée.

 

Une découverte de cette partition célèbre mais rarement jouée, sa version italienne étant le plus souvent préférée dans les maisons d’opéras. L’une et l’autre ont leur intérêt et leur richesse et constitue l’un des points culminants du grand opéra historique. Viva Verdi !

 

 

 

 

Alain GUIPONT

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